Il n’est pas et il ne sera pas dans mes habitudes d’écrire un report sur une sortie à Longchamp ou au Polygone, mais en lisant ces lignes, vous comprendrez que, là, je ne pouvais pas passer à côté de cet exercice (pour la deuxième fois grâce à Julien mais c’est une autre histoire).
Hier, lundi donc, comme souvent en ce jour de début de semaine, nous aimons nous retrouver avec Cyril et Joachim afin de rouler une quarantaine de kms ou plus. Bien que tout juste rentrés de congés, nous n’échappons donc pas à la tradition. Cette fois ce sera le polygone, son obscurité et sa chaussée bien humidifiée par une journée de pluie.
Rendez-vous est fixé à 21h, pour nous rendre ensemble jusqu’au bois. Comme à l’accoutumée nos copines non frileuses en cette saison hivernale, eut égard à leurs tenues, sont sur le trottoir à siffler gentiment les chauffeurs du soir, dont certains ont la politesse de s’arrêter pour y répondre.
Quelle ne fut pas notre surprise quand l’une d’elle, probablement attiré par 3 jeunes hommes sportifs et affutés, se dirigea vers nous pour nous proposer de faire l’amour (ce qui fut dit dans un langage un peu moins romantique mais la barrière de la langue ne doit rien retirer à la sincérité du propos). Bien évidemment aucun de nous ne pouvait répondre positivement à cette aimable requête, et je me dévouais donc pour lui expliquer que nous avions déjà fait la chose, et qu’à notre âge avancé, il nous était impossible de recommencer sans être en possession de notre pilule bleue. Quoique déçue, notre postulante repartie tête basse vers ses copines de soirée.
Il était alors temps pour nous de fêter notre résistance face à tant de tentations en se préparant un ou deux caviars, avant de battre le pavé (quoi qu’en vélo on le roule plus qu’on ne le bat).
Nous voilà fin prêt à affronter les éléments, l’humidité, la nuit et le vent. Le premier tour se fit à une allure modérée, le temps de nous remettre de nos émotions sans risquer un accident de selle aux graves conséquences. Les suivants seront un peu plus rapides, mais les jambes sont lourdes, conséquences de nos sorties respectives de la veille et la visibilité très réduite rend un ou deux virages un peu compliqués.
La soirée s’avançait tranquillement quand nous attaquions notre 10e et probable dernier tour, quand soudain un cri se fit entendre dans la nuit, non il ne s’agissait pas d’une énième cougar à nos trousses, mais simplement de Cyrille qui nous alertait d’une crevaison arrière. Rien de grave pensions nous alors, tant une crevaison fait partie des aléas de la vie d’un cycliste, mais Cyrille nous rappelait la difficulté qu’il avait eu à monter sa paire de pneus, un peu comme une paire de Black Mamba qui n’assumerait pas son nom. Sagement il décidait de faire demi-tour pour réparer à la lumière et profiter de la compagnie de nos sirènes d’un soir, avec Joachim nous décidions de terminer sagement notre dernier tour.
De nouveau tous 3 réunis, nous voilà confronter à cette réparation, Cyrille ayant oublié son matériel, avec la gentillesse et la générosité qui me caractérise, je décide de lui prêter mes outils, alors que Joachim lui donne une chambre à air toute neuve. Cyrille se hâte et se retrouve déjà en très grande difficulté lorsqu’il s’agit de retirer le pneu, après de nombreux efforts, il parvient au but et s’attaque désormais à le remettre, exercice au combien périlleux, qui nécessitera la participation de chacun de nous, après plus de 10 minutes d’efforts, le pneu est enfin à sa place et il faut désormais regonfler en espérant que tout aille bien. Mais là, oh surprise, nous avons beau pompé et pompé encore (sans l’aide des filles de joie sus présentées), rien ne se passe. Joachim constate alors, que la belle chambre à air qu’il avait confié à Cyrille est toujours soigneusement rangée dans son emballage. Mais alors , quelle chambre est dans le pneu ? Il ne peut tout de même pas s’agir de celle qui vient de crever ? Ce n’est pas concevable ? Mais après tout nous parlons bien de Cyrille et il s’avère donc que si, toutes les étapes ont été respectées sauf le fait de mettre la nouvelle chambre à air et non l’ancienne.
Le désespoir se fait déjà sentir dans le regard de Cyrille, ses mains gelées et ses doigts engourdis lui font envisager un retour à pieds jusque chez lui, ce qui avouons-le à ce moment ressemble à un appel au secours. Un deal est donc passé entre Joachim et Cyrille, le premier tentera la réparation là où le second s’occupera de préparer la récompense. Et moi dans tout ça me direz-vous ? Il est alors mon rôle de vous rappeler ma position de leader autoproclamé, et à cet égard, la seule fonction qui m’incombe est de superviser le travail des uns et des autres, tout en gardant un œil sur le manège de nos copines de début de soirée dont le succès en ce soir d’hiver n’est pas assuré.
Joachim se hâte, et se montre relativement efficace, en moins de 10 minutes, le pneu est monté, et il ne reste alors plus qu’à gonfler, mais une fois encore, et de façon totalement inexpliqué, rien ne se passe, il ne peut s’agir que de la pompe, nous essayons alors la mienne, sans plus de succès, il faut se rendre à l’évidence, Joachim a percé la chambre, et vient de perdre la bière promise par Cyrille pour mercredi en cas de succès…. Le désarroi est à son comble, et la solution du retour pédestre devient de plus en plus crédible, quand nous vient cette dernière lueur d’espoir, puisqu’après tout Lock doit nous rejoindre, il serait bienvenu qu’il soit accompagné d’un pneu souple. Celui-ci nous répond par l’affirmative, et nous confirme son arrivée très prochaine.
Que faire pendant cette attente ? Cyrille se décide à préparer le thé, et de mon côté, j’ai une idée de génie : « Et si nous jouions avec le pneu, le premier qui en le lançant arrive à le faire passer dans le panneau de signalisation à gagner ». Et nous voilà lancés dans une partie endiablée, ou Cyrille et moi-même afficheront une bien meilleure dextérité que Joachim.
Soudain alors que je tente de décrocher le pneu calé à un peu plus de 2m50 de hauteur, suspendu dans le vide j’aperçois notre sauveur qui semble dans un état d’ébriété avancé. Nous allons enfin pouvoir réparer ce maudit pneu. Cyrille s’exécute avec brio et sans la moindre difficulté, le pneu est monté puis gonflé, la soirée est sauvée, nous allons bientôt pouvoir retrouver nos lits…
Ne reste alors qu’un petit détail, remonter la roue, cette Mavic ellipse. J’explique alors à mes sous fifres que pour bien faire, il faut utiliser une clé 6 pans, mais Lock n’écoutant que son cœur, et sa bravoure veut prouver le contraire, il parvient à fixer la roue, mais oublie de tendre la chaîne, Cyrille décide alors d’écouter mes précieux conseils, et par solidarité nocturne, nous nous engageons ensemble dans cette opération basique. Tout se passe au mieux, et je décide alors de laisser Cyrille finir tranquillement son œuvre, préférant boire mon thé encore fumant, quand soudain………
PAN, s’envolant dans le ciel, traversant la vapeur, puis s’écrasant sur le sol, l’extrémité de l’axe de la roue a cassé sous la pression exercée par Cyrille, à ce moment je ne peux contenir un fou rire de plusieurs minutes face au ridicule et au côté extraordinaire de cette situation. Cette fois la solution piétonne n’est plus une option mais il est déjà 00h10. Cyrille décide alors de nous laisser partir, et de rentrer par ses propres moyens, il veut tenter en vélo, mais se rend bien vite compte, que la roue arrière ne peut tenir. Il s’engage jusque Château de Vincennes, prend le métro, puis arrivé à Nation découvre avec stupeur, que le reste de son parcours devra être effectué à pieds ou en amazone…. Il nous préviendra de son arrivée chez lui à 1h30 du matin….
Cette soirée ne méritait -elle pas qu’on en parle ?