Paris-Bruxelles 1er mai 2015

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Je te vois venir, toi, lecteur assidu, tu constates que ce billet est fort long et tu as déjà envie de trouver le résumé dans la collection “Profil” comme lorsque l’on te demandait de faire une fiche de lecture sur Candide en seconde. Mais que croyais-tu ? Que j’allais résumer ces 310 kms d’aventure en 300 lignes, Ha jeune naïf. Installe-toi, ferme les yeux puis rouvre-les sinon tu ne pourras pas lire (ben ouais ne me prends pas pour un idiot), tu es prêt pour le voyage ? Alors allons-y !

Il était une fois, dans le monde de la team caviar, une idée un petit peu folle qui avait germé: Après avoir traversé la France vers l’ouest pour rejoindre Trouville sur mer en 2014, après avoir rejoint Amsterdam en 5 jours en avril de la même année, après bien des rides et des événements parisiens,il fallait pousser le bouchon un peu plus loin et tenter l’aventure de rejoindre Bruxelles en une journée.

Initialement le projet paressait simple, on reprenait le parcours de Paris Amsterdam en bonne partie, on profitait du beau soleil et des longues journées du mois de mai, et on prenait tous nos routes pour le faire.

Mais pour un membre du caviar, tout défi se doit d’être complètement masochiste, et si en plus, il peut être un peu stupide pourquoi s’en priver? Du coup progressivement le challenge n’était plus seulement de partir à Bruxelles, mais également de tous le faire en pignon fixe. Et alors que le bon sens nous aurait probablement poussé à repousser au vu des conditions météo, nous décidâmes qu’un départ à 4h du matin sous des trombes d’eau pouvait également être une brillante idée.

Nous voilà donc jeudi. Pour moi le temps de rentrer d’un petit séjour familial et reposant (le repos aura ses vertus) à Trouville sur mer, je retrouve  Eko et Cyrille chez ce dernier, Hugo et Lock choisissant de leur côté de se montrer raisonnable en dormant sagement chez eux. Le temps de se manger une plâtrée de pâtes, de préparer nos poumons à un excès d’air pur, et notre foie a un futur manque évident de fermentation alcoolique: Au Caviar on prend soin de nous en toutes circonstances, et la veille d’une longue sortie, il ne faudrait pas se montrer à court de réserve.

De son côté Julien nous rejoint sur les coups de 22h. Le temps pour nous de peaufiner les derniers réglages sur les vélos, et d’opter pour un ratio de 2.8, à part Cyrille qui choisit un classique 3. Raisonnablement Eko et moi décidons d’aller nous coucher sur les coups de 00h30, le réveil est prévu pour 3h30. Épuisés par une soirée à supporter les blagues de mauvais goût de Julien, nous ne peinons pas vraiment à nous endormir, cependant à peine une demie heure plus tard, les deux autres crétins toujours pas couchés, se décident à nous faire une petite blague potache en nous réveillant, évidemment je saurai me faire justice comme il se doit quand la véritable heure du réveil arrivera.

Vendredi 3h30, nous voilà donc réveillés mais peu éveillés, le temps de se préparer, nous accumulons déjà un peu de retard sur le planning initial, et nous ne rejoignons Lock et Hugo à Stalingrad qu’à 4h20. Étrangement, ils ont l’air à peine plus frais que nous. Nous décidons d’entamer nos barres de céréales au caramel, pour tout de suite prendre la température de l’événement, nous profitons de la compagnie de quelques voyageurs de nuit, qui nous rappellent que finalement l’abus d’alcool est mauvais pour la santé.  Bien évidemment il pleut, et pas qu’un peu, mais c’est désormais trop tard, nous sommes partis, nous allons enfin pouvoir enchaîner les kms pour rattraper notre retard, l’objectif étant de parvenir à notre but pour 21h. Rouler sous la pluie n’est jamais agréable, mais nous gardons espoir que cela ne durera pas.

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Premier contretemps, à peine 8km après le départ, je crève de l’avant, déjà l’occasion de faire une première pause, réparation faite, nous repartons pour…4 kms supplémentaires, avant que Julien ne crève à son tour, nous semblons maudits, et envisageons déjà l’abandon. Eko me parle de faire des FIFA à la maison, l’idée me parait tentante, mais je dois l’écarter car je n’ai qu’une manette, argument suffisant pour nous convaincre de parcourir les 300 kms restants, on l’a échappé belle. Cette fois nous sommes vraiment partis, toujours sous une pluie battante, et avec la crainte d’une nouvelle crevaison rapide, qui sonnerait le glas de nos ambitions.

Mais il n’en est rien, nous parvenons enfin à enchaîner les kms progressivement à un rythme ralenti par la pluie et le vent. Alléchés par l’odeur d’une boulangerie nous décidons de marquer l’arrêt à Plailly pour nous restaurer et prendre des forces, la boulangère fort agréable, nous permet de rester installés dans sa boulangerie pour se sécher un peu.

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Nous repartons avant la prochaine pause dans un quartier chic de Compiègne, l’occasion rêvée pour Lock et Hugo d’aller déféquer derrière un tas de bois servant aux cheminées de la bourgeoisie locale.

A ce moment là nous avons parcouru 79km alors que nous avons quitté l’appartement de Cyrille il y a plus de 6h. J’alerte donc mes camarades sur le fait que nous allons être en retard, et que nous allons de nouveau rouler de nuit le soir même. Pas de souci, pour personne, sauf pour Eko qui réfléchit encore à l’option d’acheter une 2e manette pour rentrer chez moi.

Nous repartons et enfin constatons avec joie que la pluie a cessé, constituant un vrai soulagement, de fait nous décidons d’enchainer jusque Saint Quentin ou nous tenterons de nous restaurer un 1er mai.  Seulement à peine avons nous parcouru 2kms que c’est au tour de Lock de crever, et comme un signe du destin juste devant un conteneur avec ce message subliminal “Prend le train”, l’option commence à faire son chemin dans l’esprit de certains.

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Nous voilà enfin à Saint Quentin au km 150, j’en profite pour faire une première chute à l’arrêt, nous avons mis 9h pour y parvenir, n “nous ne sommes donc pas du tout dans les temps prévus et, intelligemment, décidons donc d’accélérer le rythme en mangeant très rapidement…. Heu non…. Pas du tout, nous nous installons à la terrasse d’une brasserie où nous avions passé une soirée bien arrosée un an avant sur notre périple vers Amsterdam, le temps de se recharger en houblon et en barres caramélisées… Je déclare qu’il serait raisonnable de ne boire qu’un demi, mais nous en boirons finalement 3, un bon Hamburger, parfait pour la diététique d’un tel événement, et nous voilà prêt à partir ou presque. Nous recevons pendant notre pause la visite d’une personne de septante années, assez bourgeoise, qui étonnement vient s’adresser à nous pour nous annoncer qu’elle nous observe depuis une bonne heure, et que nous avons adouci sa journée, elle nous demande de ne surtout rien changer, car selon ses propres mots « Vous êtes géniaux”, ce n’est pas moi qui vais la contredire. Au final cette pause aura duré 2h40….Il est 16h30 et nous repartons de Saint Quentin…

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Mais j’ai une bonne nouvelle pour mes copains de route, s’il est vrai que les 150 premiers kms ont pu se montrer rudes, au niveau du dénivelé, je les réconforte en leur assurant que nous seront bientôt en Belgique et qu’il n’y aura que du plat à l’horizon, mais en attendant il va falloir se fader les 55kms de ligne droite de la D932. Ligne droite qui constitue un véritable enfer avec le vent de face, et cette sensation d’être dans un toboggan sans fin: Montée, descente, montée, descente. Psychologiquement le moment est difficile, car à chaque fin de bosse, on peut apercevoir les suivantes, et surtout les promesses de Saint Quentin (”Bon les gars, maintenant on roule en paquet, tous ensemble, on ne se lâche pas pour préserver notre énergie”), n’auront tenu que 3 kms avant que  Lock, Hugo et Cyrille ne partent loin devant. De mon côté je suis seul avec Julien et je peste, me plains, pensant trouver l’oreille attentive de mon ami, qui en fait écoute sa musique et ne montre pas le moindre intérêt pour mes jérémiades.

Eko décide au bout d’une heure de se montrer solidaire et de nous attendre, c’est mal nous connaître, vexés nous mettons un coup d’accélérateur et l’abandonnons à l’arrière, le pauvre ne s’en remettra pas. Quelques kms plus loin, alors qu’il roule seul avec Julien, il s’endort littéralement quelques secondes sur son vélo…. Après consultation avec Hugo, j’impose à Lock une nouvelle pause, qui à ce moment me parait indispensable, pour ce dernier qui semble tout juste terminer son échauffement, l’idée parait prématurée, car nous n’avons parcouru qu’une petite quarantaine de kms depuis Saint Quentin, mais au final cette pause près du petit pont de Montay s’avérera salvatrice. Seuls Lock et moi parvenons à rester éveillés, je prépare de nouvelles barres au caramel en papotant avec lui, les autres s’endorment tous…

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Après 50 minutes de pause, nous repartons enfin, rechargés et convaincus que le plus dur est passé désormais, mais nous sommes directement cueillis par une nouvelle côte. Puis nous poursuivons notre route jusque Bavay ou nous décidons de faire notre antépénultième pause.

Nous franchissons enfin la frontière belge, mais contrairement à mes prévisions, la route ne s’aplanit absolument pas, bien au contraire, et il devient de plus en plus difficile de contenir les douleurs dorsales, et le mal de fesses qui devient presque insupportable, et il reste encore 80km à parcourir. Nous faisons une dernière pause, peu après Mons, la nuit tombe et nous allons devoir parcourir les 60 derniers kms dans l’obscurité, un à un les éclairages tombent en panne de batteries, seul Lock a prévu le coup et peut prêter quelques lumières en rab, mais il est le denier à avoir un éclairage arrière fonctionnel… Seul souci il roule devant… Ce qui lui vaudra une petite réflexion colérique de ma part. Nous enchaînons péniblement ces derniers kms, Julien se fane complètement derrière, mais c’est un peu le cas de tout le monde, nous traversons une dernière forêt dans le noir total, les 10 derniers kms paraissent interminables, je fais deux nouvelles chutes à l’arrêt, ce qui me fait exploser de rage. Plus que 500m, 400, 200, 100, 10 nous voilà enfin arrivés. Il est plus d’1h du matin, nous devons réveiller la colocataire adorable qui nous héberge, et nous constatons avec bonheur qu’un Quick au pied de l’immeuble est ouvert jusque 4h du matin…. Le temps de prendre une douche, manger quelques barres, nous repartons pour profiter de cette aubaine, tous sauf Julien qui s’est endormi assis dans un canapé, nous le retrouverons dans la même posture deux heures plus tard, à notre retour… Le Quick a un problème informatique les empêchant de nous servir… C’est le drame, mais nous parvenons à trouver une pizzeria qui nous servira, sur le retour Lock et Hugo s’arrêtent au Quick qui a remédié à ses problèmes. Nous remontons, nous régalons de quelques dernières barres de caramel que nous ne parvenons pas à terminer et finissons enfin par nous coucher sur les coups de 4h30 du matin , épuisés, déchirés, mais heureux….